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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 12:09

Nous relayons l'article de Maître Benjamin Pitcho, avocat à la Cour et maître de conférence en droit privé et droit de la santé à Paris, paru sur le site www.huffingtonpost.fr ( link).

 

Le projet de l'Observatoire national des MICI est en cours de construction à l'initiative de l'association François Aupetit et nous ne pouvons que soutenir le partage des données détenues par les autorités de santé - dont la CNAM. L'amélioration des connaissances sur nos maladies et du vécu médical de nos malades, celles du parcours de soins, ... beaucoup des actions associatives manquent de chiffres pour être validées par les pouvoirs publics ... Pas de preuves pas d'écoute ... Il faut nous battre désormais en pleine connaissance des chiffres !AAM

 

 

Différentes organisations ont appelé, ensemble, cette semaine à la communication des données de santé produites par les organismes de sécurité sociale. Leur argumentaire consiste notamment à affirmer qu'une telle diffusion permettrait de prévenir certains scandales, améliorerait la démocratie et contribuerait à l'évaluation des différentes prestations sanitaires. De telles prétentions démontrent la maturité évidente atteinte par les associations de patients dans l'organisation sanitaire de notre pays. Si leur argument est exact, il demeure pourtant incomplet.


L'histoire de la démocratie sanitaire n'est plus à faire tant elle est connue. Elle a permis la reconnaissance du rôle des associations de patients. Qu'il s'agisse de la gouvernance des établissements publics, de la détermination de l'offre de soins, de l'assistance des malades dans la défense de leurs droits, de leur information, etc. les lois successives ont étendu leur implication. Il était craint que celles-ci ne constituent qu'un contre-pouvoir à la toute puissance médicale - bulle de savon pourtant depuis longtemps explosée - partiales et facteurs de crispations. Or il n'en est rien.


Ces associations introduisent des demandes pour l'autorisation de mise sur le marché de certains médicaments, financent des recherches biomédicales, en partenariat donc avec les professionnels et elles élaborent des protocoles d'éducation thérapeutique. Leur activité ne se limite pas à un tel contre-pouvoir. Elles constituent les interlocutrices parfois dérangeantes, mais toujours raisonnées et efficaces des professionnels comme des administrations sanitaires.


La demande de communication des données parachève cette maturité dont notre pays ne peut que s'enorgueillir. Il est ainsi significatif que la demande d'accès aux données ait été introduite, notamment, par une association de défense de consommateurs et une association de patients : leurs ressemblances sont flagrantes, et c'est par exemple une organisation américaine de consommateurs qui a critiqué l'efficacité d'un médicament contre la maladie d'Alzheimer, mais les patients s'en distinguent pour devenir des acteurs responsables de l'organisation de santé. Et ils entendent donc exercer leur pouvoir.


Pour ce faire, les associations doivent légitimement accéder aux données de santé. Les décideurs publics disposent en effet d'un éventail impressionnant de données qui leur permettent de piloter efficacement l'offre de soins. De même, les assureurs privés, par les remboursements complémentaires qu'ils fournissent, bénéficient d'indicateurs fiables quant aux pathologies, leurs coûts, les risques de rechute, leur évolution, les alternatives disponibles et leur efficacité, etc. Or, il n'en est rien pour les associations. Elles sont irrémédiablement exclues de ces données pourtant fondamentales pour la compréhension même des enjeux des soins et, finalement, la poursuite même de leur objet et de leur activité.

...

Priver les associations de santé des informations, c'est rendre leur parole inefficace. C'est vouloir les ramener dans un rôle parfois stérile de défenses d'intérêts particuliers, au détriment dans la connaissance plus large des tenants et aboutissants de l'organisation des soins. C'est vouloir conserver le pouvoir et imposer des normes plutôt que partager les responsabilités et, ce faisant, gouverner dans le respect de la concertation. En un mot, c'est vouloir infantiliser les associations et in fine les citoyens qu'elles représentent.


La qualité de l'intervention des associations dépend directement de leur accès à ces données. A défaut, il serait vain pour elle de pouvoir prétendre à une représentativité quelconque lors de procédures de négociation ou concertation : ce serait jouer au poker alors que tous connaissent le jeu de chacun, sauf l'un des joueurs. En réalité, cette vérité doit même être étendue dans toute la chaîne de production des soins. Il convient en effet d'assurer le bris de l'indisponibilité de ces données ainsi que leur libre accessibilité à destination de chacun. Il est de l'intérêt évident des médecins de pouvoir consulter et étudier ces informations. Cette exploitation permettra l'amélioration des prescriptions et assurera éventuellement la prévention de différents scandales sanitaires. La place de ces professionnels dans l'organisation des soins justifie de plus que leur parole soit aussi informée que celle des associations. Il en est de même des autres professionnels, des laboratoires, des chercheurs en économie, en sociologie ou en droit pour lesquels ces données sont une condition sine qua non de l'efficacité de leurs travaux.

...

Cette accessibilité constituerait ainsi une révolution dans la manière de gouverner et de gérer les services publics, fondée sur une discussion réelle plutôt que formelle entre les autorités de réglementation, les chercheurs, les fournisseurs et les destinataires des services. Ce modèle demeure évidemment transposable à d'autres secteurs, ainsi que l'a par exemple rappelé Loïc Bodin. Concernant les soins en particulier, il serait bien regrettable que la démocratie sanitaire, née de la volonté de briser le paternalisme médical, se voit ralentie par un paternalisme public. Alors que Pierre Legendre avait parfaitement montré combien le second était en réalité inhérent à la construction de l'Etat, il apparaît plus que jamais que le partage des données constitue une profonde révolution politique.


Suivre Benjamin Pitcho sur Twitter: www.twitter.com/BenjaminPitcho  

 

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